jeudi 10 juillet 2008

La Quête




Après deux jours de « rien faire », je me décide enfin à aller rencontrer mon destin. Charles Prémont a fondé la ville de Premont en 1908 et je suis au Texas pour découvrir qui est ce mystérieux homonyme...

Je pars donc de tôt matin vers cette petite ville de 2000 habitants. La chaleur est toujours présente et, malgré mes efforts pour garder les fenêtres baissées, pour faire « real», je suis bien obligé de me rendre à l'évidence que je me vide de toute mon eau (fait 36, du moins selon mon tableau de bord). Je me rends à ma paresse, monte les vitres et mets l'air conditionné. En intermittence, cependant : je n'aime pas l'odeur de cet air contrôlé.

Les routes du Texas sont immenses, on dirait sans fin. Et c'est vrai que c'est plat, comme État. Je me sens comme lorsque je conduis de Granby à Ste-Hyacinthe. Pour les non-initiés, ça veut dire qu'il y a des champs... rien que des champs. Une drôle de plante qui ressemble vaguement à du maïs (mais en « touffu ») brun-rouge pousse un peu partout. On m’a dit ce que c'était, mais j’ai oublié.

Un truc génial, les stations-services. Ici, pour 99 cents, on peut avoir 44 onces (un peu plus d'un litre) de boisson gazeuse ultrasucrée (je ne suis pas un grand connaisseur, mais je soupçonne la version en fontaine d'avoir plus de sucre et moins de gaz). Et ne cherchez pas l'eau gazeuse : il n'y en a à peu près pas (vu du Perrier une fois, sinon, une espèce d'imitation de liqueur non sucrée – buvable). N'empêche, un litre de liqueur, c'est beaucoup! D'ailleurs, je n'ai jamais vu autant de gens consommer du Coke de toute ma vie. Dites, c'n’est pas aux États-Unis qu'ils ont un problème d'obésité?

D'ailleurs, la bouffe n'est vraiment pas chère, en général, ici. Pour 9,99 $, on a droit à un repas trois services (de la bouffe mexicaine, on s'entend). La soupe, le repas (immense) et le dessert (cochon). J'ai gardé le brownie vraiment gras (mais tellement fondant!) accompagné de fudge pour le déjeuner le lendemain...

Mais voilà que je digresse. Je traverse les villes et les villages pour finalement arriver à destination. Mon estomac se noue un peu à l'idée d'arriver dans MA ville. Je traverse tranquillement LA grande allée et m'arrête au « Town Hall». Fermé de 12 h à 13 h. « Fair enough», je me dirige vers chez Mario's, le restaurant du coin.

Je pénètre dans un endroit qui se trouve entre le saloon western et le restaurant familial. Les tuiles du plancher sont craquelées, des lassos sont attachés aux poutres de bois. Le plus délicieux, c'est le fini en faux bois qui part du plancher pour recouvrir le plafond. Quelques familles sont attablées, trois « ranchers » mangent en silence à une table.

Bon, je passe sur la bouffe. Ordinaire. Je me renseigne ensuite auprès de la serveuse où je pourrais trouver des informations sur la fondation de la ville. Elle ne bronche pas une seconde, beaucoup plus impressionnée par le dollar de pourboire que je lui ai laissé. Elle m'indique la bibliothèque.

Je me trompe d’immeuble et entre dans un salon de coiffure. Faut dire qu'il est au moins deux fois plus spacieux que la fameuse « library ». Plantée en plein milieu d'un parc, on y entre doucement, comme dans une crypte. On me fait signer à l'entrée. Évidemment, la bibliothécaire observe que je porte le même nom que le fondateur. Elle me le fait remarquer. Je réponds par un sourire.

Charles Prémont, le fondateur, est un juif d'origine russe qui a immigré aux États-Unis au début du siècle. Il semblerait que sa famille ait été tuée par le Tsar. Son frère et lui ont fui pour le nouveau continent. Sans le sou, ne parlant pas un mot d'anglais. Ils ont été recueillis par un riche homme de la région qui a remarqué les deux marmots à la sortie du port.

Prémont est donc devenu un rancher dans le plus classique sens du terme. À l'âge de 26 ans, il était responsable de tout le ranch de monsieur, ayant « des qualités d'administrateurs indéniables ». Il aurait choisi son nom suivant un « ami spécial » d'une des filles du banquier. C'est ce dernier qui a choisi de nommer la station de train Premont, faisant ainsi honneur à son bras droit.

On dit qu'il était engagé dans la politique locale et que, même lorsqu'il s'en est dégagé pour conduire ses propres affaires, « sa voix faisait loi ». Il aurait eu la brillante idée de faire la première plantation de citronniers de la région. Il s'est marié à une femme riche et a adopté deux fils. On dit qu'il était d'une grande aide pour les enfants en difficultés.

Tout ceci était écrit dans les « Premont News » de 1959, un solde fait pour le 50e anniversaire de la ville. Les archives de Premont, faut-il le dire, tiennent dans deux fiches remplies de photos des filles qui sont passées par son « high school » et de vieux articles de journaux jaunes et friables qui ne tiendront plus très longtemps. Des traces de mémoires plus qu'une véritable histoire.

J'ai fait aussi la rencontre de Mimi, une femme de la ville qui organise le 100e anniversaire de la ville l'an prochain. Déjà, elle me voyait sur un char allégorique saluant la foule. « Si vous êtes parents, ce serait extraordinaire », me disait-elle. Désolé, mon plus vieil ancêtre que je me connaisse date du 17e siècle et est débarqué aux Îles de la Madeleine. Pas trop de juif russe dans mon sang (enfin, jusqu'à preuve du contraire).

Je suis donc reparti de la petite ville de Premont avec un sens du devoir accomplit. Il parait qu'il y a encore plus d'informations de disponibles à la ville d'Alice, au nord, mais à quoi bon. Je sais déjà que je n'ai pas trop envie de faire partie d'une parade en l'honneur d'un cow-boy, moi qui ne sais même pas monter à cheval.

1 commentaire:

Émilie Fondanesche a dit…

GéNial !!! Je suis heureuse de lire les Prémont news 2008 ! C'est fou ce que les Charles Prémont peuvent devenir en un siècle : de Cow-boy à journaliste... Tu as de quoi être fier mon cher Prémont !
Je trouve cependant dommage que tu aies refusé de saluer ta ville sur un char allégorique, je t'y voyais déjà!

Chaleureuses salutations, Ô grand homme de l'histoire !

Émilie